Différence de texture, différence de nature?

Le gazon est le titre d'un des lieux communs de Serge Bouchard et de Bernard Arcan, anthropologues québécois. La pelouse est une marque du passage des Hommes, nous avons policé cette parcelle de nature verdoyante jusqu'à ne plus avoir un brin ni plus long ni plus vert que les autres. «En d'autres termes, le gigantesque effort de civilisation se résume à cet objectif unique: pouvoir déjeûner sur l'herbe sans crainte de vous y enfoncer, sans déchirer votre crinoline, sans même avoir à défendre la propriété de votre sandwich au pâté contre la convoitise d'un grizzly mal léché. L'être qui jadis chassait l'aurochs et l'éléphant n'a plus rien à combattre aujourd'hui, sinon les colonies de fourmis.» La guimauve pour sa part exprime aussi la même tension nature/culture. La petite fleur mauve n'est plus la première chose venant à l'esprit de plusieurs en disant «guimauve». C'est la pâte molle, blanche, sucrée et ouatée qui occupe soudainement tout notre esprit. Comme quoi, nous, les humains, sommes capables de beaucoup de choses!

lundi 18 décembre 2006

Ma tuque de Noël c'est un voile

Le retrait d'un arbre de Noël du hall d'entrée d'un tribunal ontarien m'a quelques peu surpris. Je ne croyait pas que les principes de l'accommodation raisonnable pourraient nous mener si loin. Désormais, il est de mise, au Canada, de souhaiter le bon solstice d'hiver à ses concitoyens, du moins, c'est ce que privilégie Patrimoine Canada, et certains politiciens suivent la tendance.

Le port du kirpan, du voile islamique, les femmes en shorts d'un YMCA de Montréal, la nourriture kacher dans les prisons et à l'hôpital sont autant de causes qui ont solicité l'interprétation du concept «accommodation raisonnable» . Dans tous ces cas, se sont des symboles ou des représentations venus de l'extérieur qui étaient en cause, l'arbre de Noël, c'est un symbole d'ici. C'est une juge de Toronto, Mme Marion Cohen, qui a décidé que l'arbre vexatoire de l'entrée devait être déplacé à un endroit plus approprié, soit «dans une arrière-salle, derrière des portes givées», nous rapporte Lysiane Gagnon dans La Presse.

Comme le faisait remarqué récemment un invité de M.-F. Bazzo, le mot accommodement réfère déjà à un arrangement raisonnable, alors dire d'un accommodement qu'il est raisonnable nous entraine dans une tautologie.

C'est ce qu'il m'a semblé lorsque, il y a de ça déjà quatre ans, j'ai tâché de fournir un plan de service d'accomodation raisonnable à un organisme sans but lucratif voué à la documentation du fait religieux. Ce fut mon premier contact avec ces principes. Il a fallu que je consulte les documents du ministère aux titres interminables comme La gestion des conflits de normes par les organisations dans le contecte pluraliste de la société québécoise. Principes de fond et de procédure pour guider la recherche d'accommodements raisonnables. Duquel document nous pouvons lire ceci en page 7:
«2.1 L'obligation d'accommodement raisonnable est une question juridique de droit, mais aussi et d'abord une norme de sens commun, de solidarité civique spontanée, où des «arrangements» servent à réduire les frictions de la vie quotidienne»

Il est certain que ces documents furent produits par un ministère québécois, mais dans le domaine du raisonnable, les choses ne devraient pas trop varier d'un océan à l'autre. Il y a une culture publique où tout n'est pas négociable et les politiques devraient «faire évoluer progressivement les normes communes selon la règle de la majorité, mais au plan proprement collectif, au niveau de l'ensemble de la société ou des collectivités locales ou régionales, selon le cas».

Bon, Noël est une fête à caractère religieux, à la base, mais nous pourrions en discuter longuement. Le Père Noël est un personnage mille fois récupéré, et ce, depuis des milliers d'années. L'arbre de Noël est, a priori, un symbole païen de la mythologie nordique. Fier représentant de l'ordre naturel, il a lui aussi souvent été récupéré. Est-ce que les non-chrétiens se sentent vraiment lésés par le symbole? Ça ne semble pas être le mot qui soit venu des réactions des représentants des communautés culturelles.

Le port du kirpan est toléré dans les écoles du Québec mais pas l'arbre de Noël dans un tribunal de l'Ontario. Sur quelle planète est-ce que je vis? Quelqu'un peut me le dire? On ne permet plus aux Montréalaises de faire du vélo stationnaire dans les vitrines du Mile End; ce n'était tout de même pas le Red Light District d'Amsterdam où les dames exibent leur chair pour votre pécule.

Si vous avez bien remarqué, je n'ai pointé du doigt aucune communauté particulière, que des faits reliés à diverses cultures/religions. Je suis pour une société plurielle, pour la découverte de l'Autre, pour la diversité en tant que catégorie sur laquelle construire une société nouvelle mais je suis aussi pour la liberté de culte, la liberté d'expression, la laïcité étatique et surtout la liberté d'être, de façon individuelle et collective.

Noël, fête religieuse, ce n'est plus vraiment la réalité.

La part de raisonnable dans ce cas-ci, serait peut-être d'expliquer à nos enfants (chrétien ou non) combien d'arbres sont coupés par année sur la planète, le rôle qu'il joue dans l'écosystème planétaire, bref, une petite pensée verte en cette période de consommation excessive. Peut-être qu'en fin de compte ce n'est pas une si mauvaise idée que de se souhaiter un joyeux solstice! Mais pour être conséquents, il faudrait le penser en termes accommodants. Alors bonne saison des pluies à mes amis thaïs, bon été à mes amis de l'hémisphère sud, et joyeux Hanuka, Mme la juge Cohen.

Le temps des vacances

Eh oui, les guimauves sont cuites! La session d'automne, c'est réglé et c'est bien réglé. C'est très satisfait de mon effort que je peux maintenant prendre un moment de détente.

Bonnes grosses grobes, alcool au besoin, plaisir en famille et entre amis. C'est le temps des fêtes, et j'en profite pour souhaiter à tous du bonheur, beaucoup de bonheur.